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Le sourire aux lèvres et le cœur léger seraient-ils la clé d’une existence plus longue ?
Cette question fascine depuis longtemps chercheurs et grand public.
Récemment, une étude menée à Singapour a jeté un nouvel éclairage sur ce lien intrigant entre joie de vivre et espérance de vie.
Ses résultats prometteurs ouvrent des perspectives enthousiasmantes, tout en soulevant de nouvelles interrogations.
Découvrons cette enquête passionnante au cœur du bien-être et de la longévité.
Le bonheur, élixir de longue vie ?
La Duke-NUS Medical School de Singapour s’est penchée sur cette question cruciale. Son étude, publiée dans la revue « Age and Ageing », a suivi 4 478 personnes âgées de 60 ans et plus pendant six ans. Les chercheurs ont évalué leur niveau de bonheur en 2009, puis ont observé l’évolution de leur mortalité jusqu’à fin 2015.
Les résultats sont saisissants : une augmentation d’un seul point sur l’échelle du bonheur réduisait de 9% les risques de décès. Plus concrètement, parmi les seniors heureux, 15% sont décédés d’ici fin 2015, contre 20% chez leurs pairs moins joyeux. Cette tendance s’observait tant chez les 60-79 ans que chez les plus de 75 ans.
Mais comment mesurer le bonheur, notion si subjective ? Les chercheurs se sont basés sur trois critères :
- La fréquence des moments de joie
- L’appréciation générale de la vie
- L’espoir en l’avenir
La conclusion est encourageante : même de petits instants de bonheur pourraient prolonger la vie des personnes âgées. Les scientifiques suggèrent donc que des actions individuelles et des politiques publiques visant à améliorer le bien-être psychologique pourraient contribuer à allonger l’espérance de vie.
Le défi du vieillissement en France
Ces découvertes prennent un relief particulier dans le contexte français. Notre pays fait face à un vieillissement rapide de sa population :
- En 2024, la France compte environ 15 millions de personnes de 60 ans et plus
- Ce chiffre devrait atteindre 20 millions en 2030
- À l’horizon 2060, on prévoit près de 24 millions de seniors
- Le nombre de personnes de plus de 85 ans passera de 1,4 million aujourd’hui à 5 millions en 2060
Malheureusement, ce vieillissement s’accompagne souvent d’isolement. Près de 300 000 personnes âgées vivent en situation de « mort sociale » en France, se sentant seules quotidiennement ou presque. Ce phénomène touche particulièrement les plus de 85 ans.
L’isolement va de pair avec une diminution des activités : 78% des aînés ne pratiquent aucun loisir régulier. Or, nous l’avons vu, le bonheur et les interactions sociales semblent essentiels pour vivre plus longtemps en bonne santé.
Les « zones bleues » : des modèles de longévité heureuse
Pour mieux comprendre le lien entre bonheur et longévité, tournons-nous vers les fascinantes « zones bleues ». Ces régions du monde abritent des populations dont l’espérance de vie dépasse largement la moyenne mondiale. Parmi elles, on trouve :
- Barbagia en Sardaigne (Italie)
- Okinawa au Japon
Ces communautés partagent des traits communs qui semblent favoriser une vie longue et heureuse :
- Une alimentation saine et équilibrée
- Une activité physique régulière
- Une vision optimiste de l’existence
- Un niveau de stress minimal
- Des relations sociales riches et épanouissantes
L’ikigai : la philosophie japonaise du bien-vieillir
À Okinawa, le concept d' »ikigai » occupe une place centrale. Cette philosophie de vie encourage à remplir ses journées d’activités porteuses de sens. Les bienfaits de cette approche sont nombreux :
- Réduction de l’anxiété et de la dépression
- Ralentissement du déclin cognitif
- Diminution des risques de maladies cardiovasculaires
Une vaste étude menée sur 30 155 hommes et 43 117 femmes a même démontré que l’ikigai réduisait significativement le risque de mortalité toutes causes confondues.
Les mécanismes du bonheur sur la santé
Comment expliquer cette influence positive du bonheur sur la longévité ? Plusieurs facteurs entrent en jeu :
1. L’impact du lien social
Une vie sociale active apporte de nombreux bénéfices pour la santé :
- Réduction du risque de maladies cardiovasculaires
- Diminution des pathologies chroniques
- Ralentissement du déclin cognitif
- Renforcement du système immunitaire
Ces effets ont été mis en lumière par la célèbre Harvard Study of Adult Development, l’une des plus longues études sur le bonheur et la santé.
2. La gestion du stress
Le stress chronique est un fléau qui nuit gravement au bonheur et à la santé. Il est associé à de nombreuses pathologies :
- Obésité
- Diabète
- Troubles cardiovasculaires
Heureusement, diverses techniques permettent de le gérer efficacement :
- La méditation
- Les promenades en pleine nature
- Les échanges avec des personnes positives
Certaines plantes peuvent aider à réduire le stress :
- L’ashwagandha, utilisée en médecine ayurvédique pour favoriser l’équilibre émotionnel
- Le CBD, extrait du chanvre, aux effets relaxants sans risque d’accoutumance
Il est crucial de respecter les posologies recommandées et de choisir des méthodes de relaxation adaptées à chacun.
Une étude britannique sème le doute
Malgré ces résultats encourageants, une vaste étude britannique publiée dans The Lancet vient nuancer le lien direct entre bonheur et longévité. Dirigée par Sir Richard Peto de l’université d’Oxford, cette recherche s’est appuyée sur la « Million Women Study », suivant 720 000 femmes d’environ 59 ans sur une décennie.
Les participantes ont évalué leur santé, qualité de vie, niveau de stress et bonheur. Les résultats montrent que :
- 39% se déclaraient heureuses la plupart du temps
- 44% généralement heureuses
- 17% malheureuses
Sur les dix ans de l’étude, 4% des participantes (31 531 femmes) sont décédées. Après ajustement pour divers facteurs médicaux et de mode de vie, les chercheurs ont conclu que le bonheur n’avait pas d’effet direct sur la mortalité.
Le Dr Bette Liu, auteur principal, résume : « La maladie rend les gens malheureux, mais le malheur en lui-même ne cause pas de maladie. » Sir Richard Peto ajoute que le stress ou le malheur ne causent pas directement la maladie, mais que les personnes malades tendent à être plus malheureuses.
Il ne faut pas oublier de signaler que ces conclusions ne s’appliquent qu’aux femmes de cette tranche d’âge en Angleterre et en Écosse, et ne peuvent être généralisées aux hommes, dont les déterminants du bonheur peuvent différer.
Le bonheur, cause ou conséquence d’une vie épanouie ?
Face à ces résultats contradictoires, l’ouvrage « Pourquoi les gens heureux vivent-ils plus longtemps ? » de Jordi Quoidbach apporte un éclairage intéressant. Publié en 2010 aux éditions Dunod, ce livre explore l’influence positive du bonheur sur divers aspects de la vie :
- La santé
- Les relations sociales
- La vie amoureuse
- La réussite professionnelle
S’appuyant sur 100 expériences menées en laboratoire ou sur le terrain, l’auteur avance que le bonheur serait souvent la cause directe d’une vie prospère, longue et épanouie, et non seulement sa conséquence.
Vers une approche globale du bien-vieillir
Au terme de ce voyage au cœur du lien entre bonheur et longévité, une chose est sûre : la question est loin d’être tranchée. Si certaines études montrent une corrélation positive, d’autres remettent en cause ce lien direct. Néanmoins, les bienfaits d’une vie heureuse et épanouie sur la santé globale semblent indéniables.
Plutôt que de chercher une formule magique, l’enjeu serait peut-être d’adopter une approche holistique du bien-vieillir. Cela impliquerait de :
- Cultiver des relations sociales enrichissantes
- Maintenir une activité physique et intellectuelle
- Gérer efficacement son stress
- Adopter une alimentation équilibrée
- Trouver un sens à sa vie, à l’image de l’ikigai japonais
Dans cette quête d’une vie longue et épanouie, le bonheur apparaît comme un ingrédient précieux, même s’il n’est pas l’unique clé. À l’heure où notre société vieillit rapidement, ces réflexions ouvrent des pistes prometteuses pour améliorer la qualité de vie de nos aînés et, qui sait, peut-être prolonger leur existence dans la joie et la sérénité.