RAPPORT : Le contexte juridique des OSC n’a pas changé en 2021.
CONTEXTE JURIDIQUE: 5.4
Le contexte juridique des OSC n’a pas changé en 2021. La loi n° 84-06 de 1984, modifiée par la loi n° 91-006 de 1991 et les textes subséquents, régit les OSC. Le décret n° 92-292 de 1992 régit les ONG. Les OSC peuvent s’enregistrer en tant qu’associations, qui agissent au profit de leurs membres, ou en tant qu’ONG, qui agissent au profit de personnes autres que leurs membres. Les OSC doivent obligatoirement s’enregistrer pour pouvoir exercer. Les OSC qui ont l’intention de travailler à l’échelle nationale s’adressent aux autorités municipales de Niamey, qui demande l’autorisation du ministère de l’Intérieur, lequel consulte à son tour le MDC/AT et les ministères de tutelle. Les ONG travaillant au niveau national doivent signer des protocoles de mise en œuvre avec le ministre du Développement communautaire avant de lancer des projets sur le terrain. Les OSC qui ont l’intention de travailler au niveau infranational signent des protocoles de mise en œuvre avec leur ministère de tutelle et des accords de mise en œuvre avec les autorités municipales, de district ou régionales dans les zones où elles vont fonctionner. Les organisations internationales doivent s’enregistrer et obtenir l’accréditation du ministère des Affaires étrangères, qui obtient l’approbation du ministère de l’Intérieur.
Il est généralement plus facile et plus rapide pour les organisations de développement de s’enregistrer que pour les organisations qui interviennent dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme, des libertés civiles et autres domaines similaires. Il est bien connu que le ministère de l’Intérieur manque de personnel pour traiter les demandes des OSC, ce qui entrave l’enregistrement des organisations qui ont besoin de son agrément. Les OSC ont recommandé en vain au ministère de l’Intérieur de créer plusieurs centres de traitement pour faciliter l’enregistrement. Il existe des directions d’ONG au niveau du MDC/AT ; au ministère des Affaires étrangères et au ministère de l’Intérieur.
Les OSC sont supervisées par leurs ministères de tutelle qui surveillent et contrôlent leurs activités. La loi exige que les OSC déposent des rapports narratifs et bilans financiers annuels auprès du MDC/AT avant le 31 mars de chaque année et publient leurs bilans financiers au journal officiel. Ces obligations sont appliquées plus rigoureusement aux ONG et aux associations de développement, qui peuvent se voir suspendues si elles ne déposent pas de rapports deux ans de suite et peuvent être dissoutes à tout moment pour des raisons politiques ou arbitraires. Selon le MDC/AT, 115 ONG internationales et 585 ONG nationales ont déposé leur rapport annuel en 2021. Durant l’année, le gouvernement a déclaré son intention de commencer à sanctionner les organisations qui ne se conforment pas à cette obligation et à d’autres exigences, telles que le paiement de taxes et la signature de protocoles de mise en œuvre. Aucune OSC ne semble avoir été suspendue ou dissoute en 2021. Les OSC bénéficient d’une protection juridique contre les actions arbitraires de l’État, y compris le droit d’appel.
Les OSC sont interdites de mener des activités à caractère ethnique, régionaliste ou politique. Elles peuvent aborder librement les sujets de débat public et exprimer des critiques, quoique les organisations qui critiquent les actions du gouvernement font parfois l’objet de harcèlement de la part de l’administration centrale, des administrations locales et de la police fiscale. Les OSC s’auto-censurent parfois par rapport aux sujets qui pourraient être interprétés comme portant atteinte à la sécurité de l’État et à la cohésion sociale.
La loi n° 2004-45 de 2004 autorise les manifestations, mais celles-ci doivent être déclarées au préalable et peuvent être interdites si les autorités estiment qu’elles sont de nature à troubler gravement l’ordre public. En 2021, les autorités ont interdit plus d’une dizaine de manifestations, ce qui a amené les OSC à se plaindre que certaines lois et réglementations ne sont pas appliquées de manière uniforme et cohérente. Par exemple, la coalition de la société civile Tournons La Page (TLP-Niger) s’est vue interdite de manifester plusieurs fois en décembre. TLP a fait appel de ces interdictions, mais n’a reçu aucune réponse. Le 10 décembre, Journée des droits de l’homme, des membres de TPL ont été arrêtés pour« rassemblements illégaux » et libérés par la suite. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la liberté de réunion pacifique et d’association, qui était en visite officielle au Niger à ce moment-là, a exhorté le gouvernement à autoriser les manifestations publiques, notant que les interdictions des manifestations de TLP compromettaient son engagement en faveur d’une société démocratique. Le coordinateur du comité de l’Union pour la paix de Tillabéri, mis en place par des ressortissants de Tillabéri pour dénoncer le terrorisme et l’insuffisance de la réponse de l’État, a été interpellé par la police judiciaire et déféré en prison pour diffamation à la suite d’une plainte déposée par l’ancien ministre de la Défense. Il a été libéré plus tard. Le procureur général a invoqué la loi no 2019-056 de 2019 sur la cybercriminalité pour arrêter des blogueurs qui faisaient circuler des messages WhatsApp ou publiaient des messages sur Facebook, et les inculper pour diffamation et de distribution, production et diffusion d’informations « visant à troubler l’ordre public ou porter atteinte à la dignité humaine ». Par exemple, en mai 2021, la blogueuse Samira Sabou et le journaliste Moussa Aksar ont été arrêtés pour avoir rediffusé un article affirmant qu’une agence gouvernementale revendait des stupéfiants saisis lors de trafics illégaux. Ils ont tous deux été condamnés début 2022. Moussa Aksar a également été condamné pour diffamation après avoir publié des articles sur des malversations dans l’achat d’armes commises par le ministère de la Défense. Il a été condamné à une amende d’environ 2 250 USD, plus des dommages et intérêts. Au total, la police a interpellé neuf acteurs de la société civile en 2021.
Les OSC qui disposent de protocoles et d’accords de mise en œuvre peuvent bénéficier de diverses exonérations fiscales, mais les procédures de demande sont rigides et les exonérations difficiles à obtenir. Les règlements d’application conformes aux lois régissant les ONG et les associations imposent aux OSC de signer un protocole cadre de cinq ans avec le gouvernement. En dépit des négociations menées par les OSC avec le gouvernement sur le contenu du protocole-cadre 2021-25, le nouveau protocole et la loi de finances de 2020 ont supprimé plusieurs exonérations fiscales précédemment accordées aux OSC. La mise en œuvre de ces changements a toutefois pris du retard en 2021. Les autorités fiscales considèrent parfois les associations comme des sociétés à but lucratif et leur demandent de payer des droits d’enregistrement et la taxe sur la valeur ajoutée, dont elles devraient être exemptées. Les entreprises et les particuliers peuvent déduire leurs dons aux OSC, mais ils le font rarement, généralement parce qu’ils n’ont pas connaissance de cette possibilité.
Les OSC peuvent proposer des services payants à condition d’utiliser les revenus pour soutenir leurs opérations et de ne pas les redistribuer à leurs membres. Seules les OSC qui présentent un rapport annuel au MDC/AT peuvent prétendre à des subventions de l’État. Cependant, les fonds publics sont distribués de manière irrégulière et vont parfois à des organisations qui ne se conforment pas à cette exigence. Les OSC peuvent répondre aux appels à propositions et déclarations d’intérêt du gouvernement pour les services fournis aux niveaux central et local. Les OSC peuvent recevoir des fonds de donateurs étrangers à condition que la source de financement ne se livre pas au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme. Les pouvoirs publics surveillent les sources de financement des OSC afin de détecter tout éventuel financement du terrorisme. Les OSC peuvent procéder à des collectes de fonds.
Il n’y a pas d’avocat spécialisé sur les questions d’OSC au Niger. Plusieurs organisations, telles que TLP, le Réseau d’appui aux initiatives locales (RAIL) et le Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (ROTAB), font appel à des conseillers juridiques ou à des cabinets d’avocats pour les accompagner sur des cas spécifiques. Presque tous les avocats se trouvent à Niamey, mais se déplacent ailleurs dans le pays en cas de besoin.
Sources : Rapport Indice de Pérennisation des Organisations de la Société Civile au Niger en 2021