NIGER : Le droit à l’éducation dans un contexte d’insécurité grandissante
(NIAMEY- le 10 Décembre 2022) A l’occasion de la célébration de la journée internationale des droits de l’homme commémorée ce jour, la Coalition Tournons la Page (TLP-Niger) a organisé une conférence publique à « la Maison Citoyenne » de Niamey. Cette initiative est soutenue par Oxfam à travers son programme Global VOICE. Le thème a porté sur : « Le droit à l’éducation dans un contexte d’insécurité grandissante ». Pour rappel, à cause de la situation sécuritaire préoccupante au Niger, plus de 800 écoles sont fermées privant de leurs Droits à l’éducation plus de 77 000 enfants dans les régions de Diffa, Tahoua et Tillabéri.
M. Halidou Mounkaila et Elh. Idi Abdou, respectivement Secrétaire général de la Confédération Nigérienne des Travailleurs (CNT) et Défenseur des droits humains, ont entretenu le public sur les enjeux pressants et les défis complexes liés aux Droits à l’éducation les zones hostiles. Ils étaient assistés par M. Aissami Tchiroma, Directeur des programmes du ROTAB, facilitateur de la Conférence.
A l’entame de son exposé, le premier conférencier, M. Halidou Mounkaila (enseignant de carrière) a rappelé les dispositions de l’article 26 alinéa 1 de la déclaration universelle des droits de l’Homme : «Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l’accès aux études supérieures doit être ouvert à pleine égalité à tous en fonction de son mérite ». Aussi, l’article 12 de la constitution de la 7ème République du Niger à son alinéa 1er précise que : « chacun a droit à la vie, à la santé, à l’intégrité physique et morale, à une alimentation saine et suffisante, à l’eau potable, à l’éducation et à l’instruction dans les conditions définies par la loi »
Selon les explications du conférencier, l’éducation est donc un droit essentiel qui permet à chacun de recevoir une instruction et de s’épanouir dans sa vie sociale. Le droit à l’éducation est vital pour le développement économique, social et culturel de toutes les sociétés. « L’éducation favorise l’épanouissement de chaque enfant » a-t-il ajouté. A ce titre, le respect de ce droit ne doit souffrir d’aucune réserve. Il est obligatoire et s’impose à tant à la famille qu’à l’Etat qui en est le garant et cela en toutes circonstances. Situant le respect du droit à l’éducation dans le contexte d’insécurité qui prévaut dans certaines régions du pays, M. Halidou Mounkaila dit ne pas comprendre que des milliers d’enfants nigériens soient privés de leur droits à l’éducation alors que l’Etat peut à temps songer aux solutions alternatives comme les écoles d’urgence avec des programmes adaptés aux réalités du terrain. Pour le conférencier, le Gouvernement traite la question avec légèreté alors que l’insécurité dure depuis bientôt 10 ans.
Pour le deuxième conférencier, le problème de l’insécurité est lié à la mauvaise gouvernance notamment la mauvaise gestion des ressources naturelles des régions concernées. En guise de solidarité aux population affectées la société civile peut faire des plaidoyers auprès des décideurs pour une meilleure prise en charge des plans d’urgence par le budget national. Les défenseurs des droits de l’homme doivent poursuivre les efforts d’interpellation du gouvernement, continuer à assurer leurs missions de veille et d’alerte sécuritaire relativement au respect du Droit à l’éducation.
Le mépris aux droits humains est une contrainte à la révolte
Ensuite, Elh Idi Abdou a axé sa communication sur la sécurité des élèves et de leurs enseignants dans les zones hostiles. A Elh. Idi Abdou a souligné que « Le droit à l’éducation : un droit fondamental et universel, l’éducation doit être accessible à tous les enfants, sans aucune discrimination. Tous les enfants doivent pouvoir aller à l’école, et ainsi bénéficier des mêmes opportunités de se construire un avenir ». Il a fait remarquer que les terroristes prennent assez souvent pour cibles les infrastructures scolaires, les enseignants ainsi que les élèves. A cet égard, le Gouvernement et ses partenaires du secteur de l’éducation doivent prendre des dispositions visant à respecter et faire respecter le droit d’accès à l’éducation. L’état d’urgence décrété à Diffa, dans certaines localités de Tillabéri et de Tahoua ne facilaite pas l’effectivité du droit à l’éducation dans ces régions. Des mesures sécuritaires sont à prendre par les autorités de concert avec les populations pour sécuriser les écoles. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, la situation persiste depuis début 2013 à Diffa avant de s’étendre à Tahoua et surtout dans la zone Nord Tillaberi. « La meilleure formule est le retour de la paix » a conclu Elh Idi Abdou.
Les échanges interactifs qui ont marqué cette conférence ont essentiellement porté sur le rôle et la responsabilité des défenseurs des droits de l’homme dans le domaine de l’éducation, la nécessité d’une collaboration saine entre populations et forces de défense et de sécurité (FDS) en zones de conflits, la prévision des lignes budgétaires spécifiques pour assurer la prise en charge des élèves dans les zones hostiles, la création et la sécurisation des écoles d’urgence, l’initiative de regroupement des enfants à travers les centres de regroupement, la protection de la jeunesse contre l’exploitation et l’abandon, l’implication de tous les acteurs dans la formulation des propositions citoyennes pour lutter contre le terrorisme au Niger.
Le cas particulier de la jeune fille
On dénombre 600 millions d’adolescentes dans le monde. Chaque année, 12 millions de filles sont mariées avant d’atteindre l’âge de 18 ans. Au Niger plus de la moitié des jeunes filles sont mariées avant 18 ans, et une fille sur 3 avant l’âge de 15 ans. De nos jours, beaucoup plus de filles vont à l’école, la proportion des femmes de 20-24 ans mariées avant 18 ans est passée de 76% en 2012 à 65% en 2021. Cependant, outre l’insécurité, les mariages précoces persistent avec un impact négatif sur la santé des jeunes filles, tant physique que mentale, mais aussi sur leur éducation ainsi que leur épanouissement personnel.
Mohamed Ibrahim / NIAMEY- SOIR