GOUVERNANCE : Le désarroi de la jeunesse face aux tendances de la situation sécuritaire


 

La crise qui a secoué la Libye entre le 15 février 2011 et le 23 octobre 2011 a entrainé l’occupation d’une partie du territoire septentrional de la République du Mali par des groupes terroristes (les branches locales d’al-Qaeda ou de l’Etat islamique, Anser dine) dont les agissements affectent le Niger notamment dans les régions de Tahoua et de Tillabéri.  Aux répercussions de cette crise sur le Niger (trafics d’armes et de drogues, d’êtres humains, le banditisme et le terrorisme), est venue s’ajouter la crise malienne qui a éclaté en 2012 accentuant ainsi la circulation des armes de guerre.  Cela a facilité aux groupes jihadistes et autres bandits armés de s’implanter en recrutant des combattants des jeunes sans perspectives. L’insécurité persiste et les jeunes sont pris pour cibles potentiels à recruter par les terroristes qui profitent de leur situation de vulnérabilité.

En octobre dernier, à Agadez, dans une déclaration de presse les jeunes ont exprimé leur colère par rapport à la situation socio-économique de la région qui ne leur offre pas l’accès à l’emploi dans cette partie du pays où ils s’insurgent contre des pratiques frauduleuses, discriminatoires et d’injustice entretenues par des sociétés et des projets de la place. « Le chômage des jeunes d’Agadez a été amplifié par la fermeture des mines d’Imouraren, d’Azelik, de la cominak, du site d’orpaillage de Djado ainsi que la criminalisation de transport des migrants » a fait remarquer Mohamed Alhassane, un jeune diplômé sans emploi.

A Diffa, les mesures sécuritaires restrictives en vigueur dans la berge de la Komadougou et le lit du Lac Tchad (Est de Diffa) ont appauvri les communautés. Plusieurs activités socio-économiques pratiquées majoritairement par les jeunes ont été interdites : la pêche et la commercialisation du poisson, la culture et la commercialisation du poivron, la fermeture des marchés, la circulation des engins à 2 roues, la vente de carburant et des engrais etc. «  A cause de cette situation des jeunes sont au chômage, d’autres ont rejoint le camp des terroristes. Sur le plan social, c’est la dépravation des mœurs à travers des filles qui s’adonnent à la prostitution pour survivre. Il y a aussi le phénomène de « Palais » qui s’explique par la constitution des groupes des jeunes violents qui se radicalisent et s’en prennent aux paisibles citoyens » a témoigné Marah Mamadou Moussa, jeune défenseur des droits de l’Homme.

A Tillabery, les jeunes actifs au siens des organisations de la société cille (Cadre de Concertation des OSC) ont plusieurs fois exprimé leurs préoccupations par rapport à ce qu’ils qualifié de : « la dégradation de la situation sécuritaire ». Dans cette région, divers groupes armés non étatiques mènent des attaques meurtrières contre des civils et des positions des forces de défense et de sécurité, prennent en otages des civils contre rançons, prélèvent indûment l’impôt, s’emparent du bétail, brulent des greniers et des infrastructures sociales notamment des écoles, exécutent des chefs traditionnels ou des responsables administratifs, violent des femmes et des filles, etc ; C’est leur mode opératoire.

Les stratégies des groupes extrémistes pour l’enrôlement des jeunes 

Selon la Stratégie nationale de prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent au Niger, les stratégies des terroristes pour enrôler des jeunes sont diverses, évolutives et s’adaptent généralement  aux ripostes sécuritaires des pays du Sahel Central (Burkina, Mali, Niger).  Les terroristes brandissent des raisons dites « Islamiques », et exercent sur l’individu (le jeune), ou la communauté, une violence verbale, physique, psychologique, morale ou matérielle, tout en la considérant (La violence) comme juste. Cette stratégie se caractérise également par l’absence d’empathie et une rupture avec la légalité ou l’ordre établi.  Une autre stratégie consiste à raviver les anciens conflits communautaires. En clair, les terroristes exploitent les frustrations locales et les intègrent à leur discours de recrutement. De l’avis de plusieurs jeunes repentis, les terroristes ciblent les groupes vulnérables et leur faire une place. Il s’agit notamment des jeunes, des analphabètes, de chômeurs, ou des diplômés) qui ne trouvent pas leur place dans le tissu économique et social faute d’emplois ou de formation suffisante. Enfin, on peut noter l’utilisation des nouvelles technologies de communication (médias, réseaux sociaux tels que WhatsApp, Telegram et Facebook) par les groupes terroristes pour diffuser leurs messages, aggraver les tensions avec le gouvernement et générer du recrutement (Le Roux, P, 2019).

La situation sécuritaire qui prévaut au Niger se dégrade brutalement ces dernières années. A la frontière Niger-Mali, au début des excursions, les revendications des terroristes étaient plus axées sur l’Islamisation des Communautés à travers l’application de la Charia (Loi Islamique). Mais de nos jours, le paradoxe est que ce postulat prête à confusion parce que le mode opératoire de ces terroristes qu’il s’agisse de Boko Haram (partie Septentrionale du Niger) ou de l’Etat Islamique (Nord-Tillaberi), est en déphasage avec les prescriptions de la religion musulmane qui prône depuis des siècles la Paix et la Tolérance.

Ibrahima Adamou

(Reportage réalisé avec l’appui de International Média Support)