GOUVERNANCE : Le Cyberespace miné par la loi cybercriminalité au Niger
(Niamey – Mercredi 5 Octobre 2022) Dès son adoption en 2019, la loi sur la cybercriminalité au Niger a soulevé un tollé dans le milieu des défenseurs des Droits de l’homme qui la qualifient de « loi liberticide » en ce sens que selon eux, ce texte remet en cause de l’exercice de droits consacrés par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ainsi que par la Constitution du 25 novembre 2010 de l’État du Niger. Déjà en 2014, certaines organisation de la société civile dont Tournons la Page, ROTAB et RAPPAD alertaient l’opinion sur le caractère de « plus en plus répressif de l’arsenal juridique » que le Gouvernement d’alors se préparait à mettre en place.
L’adoption de la loi N°2019-33 du 03 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité au Niger et qui s’applique à l’ensemble des citoyens (journalistes et profanes de la communication) a donné raison aux défenseurs des Droits de l’homme. Pour Ali Idrissa du ROTAB, ce texte remet en cause les droits fondamentaux, les engagements internationaux du pays et l’indépendance de la justice. « Le Niger avance vers une fermeture irréversible de l’espace civique » a-t-il ajouté.
« Nous ne sommes plus en sécurité ! » s’inquiète M. Anawar Abdoulaye A. Harouna, Web-activisme. « Comment peut-on véritablement continuer notre activisme citoyen sur internet sans être inquiété dès lors que cette loi est conditionnée à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication télévisons numériques, site-web, pages Facebook personnalisées… ? » s’interroge-t-il.
En effet, le texte en question définit la Cybercriminalité comme l’ensemble des infractions pénales qui se commettent au moyen ou sur réseau de télécommunications ou un système d’information. En matière de cybercriminalité, le réseau ou système peuvent être utilisés pour commettre une infraction tout comme l’infraction peut être commise sur le réseau ou système.
« La loi sur la cybercriminalité est un des instruments juridiques le plus répressif avec des amendes extrêmement lourdes » a affirmé Mme Gogé Maimouna Gazibo. Selon ses propos, « A la différence de l’ordonnance portant liberté de la presse, elle s’applique aux professionnels des medias ou citoyens lambda déclarée coupable ». A Mme Gogé Maimouna Gazibo d’expliquer que les infractions peuvent se commettre de deux manières. En premier lieu, il peut s’agir des infractions commises au moyen d’un réseau de télécommunications ou un système d’information. Elle a cité : la Reproduction, extraction, copiage de données informatiques ; l’Escroquerie portant sur des données informatiques ; l’Abus de confiance portant sur les données informatiques ; l’Extorsion portant sur des données informatiques ; le Chantage portant sur des données informatiques ; le Recel portant sur des données informatiques.
A titre d’exemple, s’agissant de la Reproduction, extraction, copiage de données informatiques (Article 21), la loi dit « Est puni d’une peine d’emprisonnement de un (1) à cinq (5) ans et d’une amende de trois millions (3 000000) à dix millions (10000000) de francs CFA, quiconque reproduit, extrait ou copie intentionnellement et sans droit des données informatiques appartenant à autrui ».
En second lieu, il peut s’agir des infractions commises sur un réseau de télécommunications ou un système d’information, le texte mentionne : le Propos à caractère raciste, régionaliste, ethnique, religieux ou xénophobe ; la Diffamation par un moyen de communication électronique ; l’Injure par un moyen de communication électronique ; la Diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine.
Depuis 2014, rappelle-t-on, au moins 53 manifestations ont été interdites, au moins 1091 personnes ont fait l’objet de séjours en détention préventive, allant jusqu’à 19 mois d’incarcération. Internet a été coupé à trois reprises afin de limiter la médiatisation de la répression et violant de fait le droit à l’accès à l’information. Le contexte était marqué par des arrestations de masse d’activistes, journalistes ou opposants politiques, interdiction systématique de manifester et coupures d’internet, les libertés d’expression, de manifestation, d’association et de vie privée ne sont désormais plus garanties.
Abdoulaye Abdourahamane Ahamadou
(Reportage réalisé avec l’appui de International Média Support)