ÉDUCATION : Reprendre l’initiative (OPINIONS)


 

 

« Le 21e siècle sera le siècle de l’Afrique » entend-on dire souvent. La formule titille les oreilles et flatte l’ego. Mais, nous devons nous rendre à l’évidence, l’Afrique n’aura pas ce siècle, si elle ne met pas l’éducation au cœur de ses préoccupations.

Au mitan de ce siècle, l’Afrique comptera plus de deux (2) milliards d’habitants, le monde en aura neuf (9). Sur 4 habitants dans le monde, 1 sera africain. L’Afrique aura la population la plus jeune de monde. Un milliard d’enfants et d’adolescents auront moins de 18 ans. Ils représenteront à l’échelle mondiale à peu près 40% de la tranche d’âge des 0-18 ans.

Tout développement, tout progrès et toute productivité économique demeurent tributaires de la manière dont l’Afrique modèlera sa jeunesse, des moyens, des connaissances, des savoirs et savoir-faire qu’elle mettra au service du développement de ses aptitudes intellectuelles, morales et physiques.

L’épanouissement de la personnalité de notre jeunesse doit s’ancrer dans la civilisation africaine, égypto-nubienne.

Quel jeune occidental, dès son plus jeune âge n’est pas élevé dans l’esprit de la civilisation gréco-latine ? À quel enfant arabe ne présente-t-on pas Saladin, héros des Croisades, et n’enseigne-t-on pas les Mille et une nuits ? Le jeune indien rêve de maharadjas, et écoute les conseils de Bouddha. Le jeune chinois observe les Ming, s’inspire de Lao Tseu et de Confucius. Mais aux jeunes Africains on enseigne que leurs ancêtres sont Gaulois, Irakiens, Iraniens, Saoudiens, Yéménites ou Omanais.

On raconte à nos enfants que Abou Yezid est venu d’Arabie pour tuer le serpent (Sarki) qui empêchait au peuple de s’abreuver au puits, et qu’ayant accompli cet exploit, il épousa la reine Daoura dont il eut des enfants qui créèrent les sept (7) États haoussa. On leur raconte aussi que c’est Dia Al Yaman qui tua le géant poison qui hantait les berges du l Niger, et qui empêchait aux Songhay de descendre au fleuve, et qu’ayant accompli cette prouesse, le peuple reconnaissant le fit roi et fondateur de la dynastie des Dia.

Ni les Haoussa ni les Songhay, qui sont des hommes noirs, n’ont eu besoin d’un homme blanc venu d’ailleurs, pour fonder leurs États. Leurs ancêtres ne se trouvent ni en France, ni en Arabie, ni en Irak, en Iran, au Yémen ou à Oman, mais en Afrique, en Égypte pharaonique.

Les jeunes qui entrent dans la vie ont besoin de modèles, de héros. Donnons-leur les modèles et héros de chez nous: Ramsès, Toutankamon, Soundjata, Babemba, Firhoun, Kaocen, les reines Mangou, Nzinga, Pokou, les Amazones du Dahomey, Mandela, Lumumba, Sankara, etc.
Et pour notre jeunesse estudiantine, quel meilleur modèle que celui d’Ahmed Baba que le Tarikh es-Soudan décrit en ces termes : « Le jurisconsulte, le savant, le très docte, le joyau de son époque et l’unique de son temps, l’homme remarquable dans toutes les branches de la science (…) Il déploya le plus grand zèle et la plus vive intelligence dès le début de ses études, en sorte qu’il s’éleva au-dessus de ses contemporains et qu’il dépassa tous de beaucoup. Il n’avait de controverses sur les sciences qu’avec ses maîtres et ceux-ci témoignèrent de son savoir. Sa valeur était célèbre au Maghreb et sa renommée se répandit au loin. Tous les docteurs des grandes villes reconnurent sa supériorité »

C’est par l’éducation, l’instruction, par l’acquisition de la connaissance directe que les jeunes Africains se réapproprieront leur histoire et leur culture qui doivent être non pas des objets de contemplation, mais des objets d’études, des sources d’inspiration qui leur permettront de se comprendre, de comprendre leurs sociétés, de produire, de créer, et de se rendre utiles.

On mettra entre les mains de nos jeunes, les papyrus, les récits, les romans de l’époque égyptienne, On déroulera devant eux le sens des proverbes, la morale des fables, la sagesse des contes. On se souciera de la formation des filles et des femmes, premières éducatrices qui transmettent à l’enfant les fondements de la connaissance, de la technique et de la morale. Une femme instruite est une assurance éducation pour sa progéniture.

Prenant le relais de la famille, l’école familiarisera l’enfant africain avec son histoire et sa culture, lui transmettra des connaissances et des valeurs morales, intellectuelles, physiques, scientifiques et techniques en adéquation avec son environnement et son temps, en gardant une fenêtre ouverte sur le monde.

L’université africaine doit être un lieu de savoir et de production de savoirs. La recherche appliquée orientée vers des objectifs africains contribuera à trouver des solutions aux problèmes qui se posent dans les domaines d’intérêt général, notamment dans ceux de l’énergie, de la communication, de l’agriculture, de l’élevage, de l’industrie, de la médecine, de la pharmacie. Celle-ci ne se fera pas au détriment de la recherche fondamentale dont les résultats pourraient rendre des services inattendus à la communauté.

A l’image de Memphis, d’Heliopolis et de Thèbe qui éclairèrent l’Antiquité africaine; de Toumbouctou et les universités de Sankoré, de Djingareyber et d’Alpha Yahya qui illuminèrent le Moyen-âge africain, des centres intellectuels doivent éclore sur le continent pour irradier de leurs sciences le 21 e siècle africain.

L’Afrique peut et doit financer son éducation. Cela la mettra à l’abri des intrusions étrangères intempestives dans ce domaine si crucial.

Farmo M.