DÉMOCRATIE : Vers une fermeture irréversible de l’espace civique au Niger


Le Niger est sous sa première alternance démocratique depuis les élections présidentielles de 2020-2021. Déjà, plusieurs organisations défense de la Démocratie et des Droits de l’Homme accusent les nouvelles autorités du pays de restreindre l’espace civique, cadre par excellence d’expression citoyenne.

Parmi les organisations de la société civile nigérienne qualifiée de «  putschiste » sous le régime précèdent dirigé par Issoufou Mahamadou, le Mouvement Tournons La Page (TLP) a mentionné que depuis le début de l’année 2014, il constate une remise en cause de l’exercice de droits consacrés par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ainsi que par la Constitution du 25 novembre 2010 de l’État du Niger. L’espace civique est assurément indispensable à la vie démocratique en ce sens qu’il permet au citoyen et à la société civile d’exercer le contrôle  de la gestion des affaires publiques.

TLP- Niger a plusieurs fois alerté le pays avance vers une fermeture irréversible de l’espace civique et cela à travers un arsenal juridique de plus en plus répressif remettant en cause les droits fondamentaux, les engagements internationaux du pays et l’indépendance de la justice. « Entre arrestations de masse d’activistes, journalistes ou opposants politiques, interdiction systématique de manifester et coupures d’internet, les libertés d’expression, de manifestation, d’association et de vie privée ne sont plus garanties », a souligné TLP-Niger  dans son rapport sur l’état des lieux de l’espace civique.

La même source a dévoilé que « depuis 2014, au moins 53 manifestations ont été interdites, au moins 1091 personnes ont fait l’objet de séjours en détention préventive, allant jusqu’à 19 mois d’incarcération. Internet a été coupé à trois reprises afin de limiter la médiatisation de la répression et violant de fait le droit à l’accès à l’information ».

De son côté, CIVICUS, une Organisation Internationale active dans le renforcement de l’action citoyenne et de la société civile dans le monde, a signalé que malgré les garanties constitutionnelles sur la liberté de réunion pacifique, d’expression et d’association, le gouvernement nigérien a pris pour cible les défenseurs des droits humains et les a soumis à des arrestations arbitraires et à des persécutions judiciaires. CIVICUS d’ajouter que les rassemblements pacifiques sont réprimés et les manifestations prévues sont interdites, tandis que des journalistes sont détenus pour avoir fait des reportages sur des questions touchant l’État. « Des lois restrictives comme la loi de 2019 sur la cybercriminalité sont utilisées pour poursuivre les représentants de la société civile », a mentionné l’Organisation.

Dans le même ordre d’idée, rappelons que lors de son séjour au Niger du 6 au 16 décembre 2021, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la liberté de réunion pacifique et d’association, M. Clément Voule, a souligné qu’il est inquiétant de constater que depuis 2018, toute demande de manifestation visant à exprimer des points de vue opposés sur la façon dont le pays est gouverné ait été systématiquement interdite avec pour motifs la crise sécuritaire ou l’urgence sanitaire liée à la pandémie de COVID-19. Pour l’Expert des Nations Unies, il était d’une importance vitale d’autoriser les manifestations publiques, qui sont nécessaires pour toute société démocratique, ouverte et inclusive.

En effet, lors de sa rencontre avec les représentants de la société civile le 7 Juin 2021, le président de la République du Niger, Mohamed Bazoum, avait déclaré que la société civile est l’un des acteurs porteurs de la promotion de la démocratie au même titre que les partis politiques. Son « rôle est très important pour la vitalité de notre démocratie, de par sa fonction qui consiste à alerter le pouvoir public et à dénoncer (…) les dérapages », avait relevé Mohamed Bazoum.

Cependant, malgré cette volonté affichée du Président nigérien d’ouvrir l’espace civique dans le pays, seule la marche suivie de meeting organisée le 18 septembre 2022 par Réseau Panafricain pour la Paix, la Démocratie et le Développement (REPPAD) a été autorisée. A la suite de quoi plusieurs autres demandes de manifestation similaire ont été systématiquement rejetées, dissipant ainsi la petite brèche d’espoir de voir le Niger renouer avec l’exercice de ce droit constitutionnel indissociablement lié à l’animation de l’espace civique.

Yahaya Aghali Oullame / NIAMEY-SOIR

(Reportage réalisé avec l’appui de International Média Support)