DEMOCRATIE : Les défenseurs des Droits de l’homme s’insurgent contre les restrictions des libertés publiques


 

(Niamey – Lundi 3 Octobre 2022) Les nouvelles autorités nigériennes issues des élections 2020-2021 poursuivent les efforts de la mise en place progressive du dispositif intentionnel démocratique. Dans le domaine de la gouvernance, ces efforts ont porté principalement sur l’installation des Institutions de la République et des réformes pour améliorer la mobilisation de ressources internes et externes. A date, toutes les Institutions républicaines sont installées même si pour certaines comme la CNDH, la Médiature, le CESOC, la HALCIA semblent fonctionner dans l’anonymat eu égard à la délicatesse de leurs missions respectives.

Ceci se passe dans un contexte sécuritaire national et sous régional fragilisé par le caractère transnational du terrorisme. Dès lors l’insécurité et la pandémie de la COVID-19 sont les motifs majeurs assez souvent brandis par le régime en place pour interdire de manière systématique les manifestations sur la voie publique.

La situation est plus complexe dans les zones rouges déclarées depuis plusieurs années sous état d’urgence par le Gouvernement dans les régions de Diffa, Tahoua et Tillabéri. Les défenseurs des Droits de l’homme, préoccupés par les défis de la Bonne Gouvernance, l’ampleur de la corruption et de l’impunité dans le pays, tirent la sonnette d’alarme sur ce qu’ils qualifient de «  rétrécissement de l’espace civique ». Depuis l’installation officielle des nouvelles autorités en avril 2021, seule La manifestation de marche suivie de meeting organisée par le Mouvement M62 avait été autorisée par le Maire Central de la Ville de Niamey. Or, l’Article 32 de la Constitution dispose que : «L’Etat reconnaît et garantit la liberté d’aller et venir, les libertés d’associations, de réunion, de cortège et de manifestation dans les conditions définies par la loi.»

La Loi n°2004-45 du 8 juin 2004 régissant les manifestations sur la voie publique       

M. Nouhou Mahamadou Arzkia du MPCR, fait remarquer que cette la loi a été largement inspirée du décret-loi de 1935 héritée de la colonisation d’où son caractère abusif des droits civiques et l’urgence de l’adapter au contexte. Selon la loi n°2004-45 du 8 juin 2004, pour pouvoir exercer son droit de manifester, il faut faire une déclaration préalable, car «sont soumis à l’obligation d’une déclaration préalable, tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes et d’une façon générale toutes les manifestations sur la voie publique ».

Pour M. Moukaila Halidou, acteur de la Société civile et membre de la CNT, « Au Niger nous sommes dans un régime de déclaration préalable qui est différent du régime d’autorisation préalable. Dans un système de déclaration préalable, les organisateurs n’attendent pas une décision d’autorisation de manifester. Ils ont une autorisation implicite pour manifester ». A ce titre, la déclaration a pour but d’informer l’autorité qui doit prendre les dispositions sécuritaires pour assurer le bon déroulement de la manifestation. Cependant le magistrat Sani Dibadjé précise, « L’autorité ne peut prendre qu’une décision d’interdiction au cas où elle ne peut assurer la sécurité de la manifestation  ou s’il y a un risque important de trouble à l’ordre public ».  Dans un régime d’autorisation préalable les organisateurs doivent demander une autorisation aux autorités qui peuvent autoriser ou interdire la manifestation projetée.

Autrement dit, dans un Etat de Droit, le droit de manifester à ses limites. Au Niger, l’article 5 du texte ci-dessus cité dispose que «si l’autorité investie des pouvoirs de police estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l’ordre public, elle l’interdit par un arrêt dûment motivé qu’elle notifie immédiatement aux signataires de la déclaration au domicile élu.». Pour prendre un arrêté d’interdiction, il faut donc réunir deux conditions à savoir un réel risque de troubles graves et l’inexistence d’un autre moyen efficace pour maintenir l’ordre public.

Il convient de préciser qu’un recours contre l’arrêté d’interdiction est possible devant le Tribunal administratif qui contrôle alors la légalité de la mesure. Néanmoins, estime M. Abdoulaye Seydou, Coordonnateur du Mouvement M62, « Sans aller jusqu’à interdire toute la manifestation, l’autorité dispose de certains moyens pour assurer le meilleur déroulement de l’attroupement. Par exemple, elle peut non seulement modifier l’itinéraire prévu mais elle peut également interdire certaines banderoles ».

L’un dans l’autre, poursuit le magistrat Sani Dibadjé, la déclaration doit être faite à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle la manifestation doit avoir lieu  et dans les mairies de toutes les communes qui seront traversées par la manifestation. Dans le cas où plusieurs communes seront traversées, la déclaration sera faite à la mairie de la Commune où le rassemblement aura lieu.

Les conditions particulières de la déclaration préalable

Il s’agit surtout du Délai. La déclaration doit avoir lieu cinq (5) jours francs au moins et quinze (15)  jours francs au plus avant la date de la manifestation. Dans la forme, la déclaration doit indiquer les noms, prénoms et domiciles des organisateurs, elle doit être signée par au moins trois des organisateurs (leur domicile doit se situer dans le département en question), la déclaration doit indiquer le but, la date, l’heure, le lieu et l’itinéraire projeté de la manifestation. Lorsque la déclaration est faite, un récépissé est délivré immédiatement. Il s’agit en général d’un visa apposé sur l’un des exemplaires de la déclaration.

Cependant, il convient de préciser que ce récépissé ne fait pas du tout office d’autorisation. Enfin après la déclaration  faite au maire, celui-ci dispose d’un délai de 72h pour en informer le préfet ou le gouverneur. Le cas échéant le Maire doit joindre copie de son arrêté d’interdiction qui peut être annulé d’ailleurs par le préfet ou le gouverneur. En cas de nécessité le préfet ou le gouverneur est habilité à prendre un arrêté d’interdiction.

Abdoulaye Abdourahamane

(Reportage réalisé avec l’appui International Média Support)