BONNE GOUVERNANCE : Les redevances pétrolières non soldées ralentissent le développement local à Diffa et Zinder
(NIAMEY-SOIR – Lundi 05 Décembre 2022) La production pétrolière a débuté en 2011 dans la région de Diffa où le pétrole est exploité par la China National Petroleum Corporation (CNPC) et le raffinage dans la région de Zinder où il est assuré par la Société de raffinage de Zinder (SORAZ). Au Niger, l’exploitation des ressources naturelles implique le versement des redevances aux collectivités territoriales bénéficiaires.
Le législateur a consacré une rétrocession de 15% des redevances et autres impôts spécifiquement minier et pétrolier à ces entités. Du reste, l’article 152 de la Constitution dispose : « les recettes réalisées sur les ressources naturelles et du sous-sol sont réparties entre le budget de l’État et les budgets des collectivités territoriales conformément à la loi ». Cependant, en douze (12) ans de production du pétrole, il est ahurissant de relever que seules les redevances de quatre (4) années ont été rétrocédées à la région de Diffa. Il s’agit de celles de : 2014: avec un montant alloué de 2 876 600 063 FCFA; 2018 : avec un montant alloué de 937 418 672 FCFA; – 2019 : avec un montant alloué de 1 781 095 476 FCFA, et 2020, avec un montant alloué de 3 205 971 857 FCFA. Les huit (8) autres années à savoir : 2011, 2012, 2013, 2015, 2016, 2017, 2021 et 2022 ne sont pas soldées.
A ce propos, le député national M. Boulou Mamadou s’adressant au ministre en charge de l’Energie interpelé à l’hémicycle, demande quand et comment le montant global des années non soldées sera versé par l’Etat aux collectivités bénéficiaires ?
En ce qui concerne Zinder, région de raffinage du pétrole, elle a droit à certaines taxes notamment la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Celle-ci a été consentie en 2014 après la modification de la loi sur le Code minier et pétrolier. Toutefois, des sources proches du gouvernorat, précisent que c’est à partir de 2020 que la région a commencé à percevoir et ce, pour l’année 2014. Le montant versé est d’environ 850 millions de FCFA un peu moins de la moitié du montant total. Autrement dit, outre le complément des taxes de l’année 2014, il reste à verser celles des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019.
Pourtant, selon les explications de M. Aboubacar Illiassou, membre du Réseau des Organisations pour la Transparence et l’Analyse budgétaire ROTAB-Niger : « La rétrocession des 15% des redevances minières et pétrolières devait appuyer le développement local et permettre aux collectivités territoriales des régions concernées d’atténuer les effets néfastes dus à l’exploitation des ressources naturelles ».
Les difficultés persistantes
En premier lieu, il s’agit de l’irrégularité des versements c’est-à-dire que le transfert des 15% de redevance minières et pétrolières n’est pas constant et en grande partie il n’est pas effectif aux communes des régions concernées. A titre d’exemple pour les communes de la région d’Agadez (l’exploitation uranifère), sur 1 249 330 392 FCFA à verser au titre de l’année 2009, le gouvernement n’a versé que 930 808 089 FCFA, et ce en 2011 avec deux (2) ans de retard.
En second lieu, les communes déplorent l’insuffisance des montants qui leur sont transférés pour le développement local. A titre indicatif : En 2012, pour l’exploitation de l’Or, la somme de 82 119 910 FCFA est repartie entre les 46 collectivités territoriales de la région de Tillaberi.
En troisième, la méconnaissance par la majorité des responsables communaux des textes législatifs encadrant la rétrocession des 15% des redevances minières et pétrolières au Niger. Il s’agit de la constitution de la République du Niger du 25 novembre 2010, Art. 152 ; la loi n°2017-63 du 14 aout 2017, à son article 129 ; la loi N°2014-11 du 16 avril 2014 portant code pétrolier aval ; le Code minier de la république du Niger ; le Décret 2015-245 du 08 mai 2015 modifiant et complétant le décret 2007-184 du 25 mai 2007 fixant les modalités de répartition des recettes minières concédées par l’Etat aux régions concernées.
Pourquoi des années non encore soldées ?
De l’avis général des responsables communaux, les sociétés exploitantes (SML, CNPC, SORAZ etc) paient à l’Etat leurs redevances, mais c’est le reversement de celles-ci aux communes qui pose problème. Selon des sources concordantes, l’insécurité qui prévaut dans le pays explique le retard dans le reversement des redevances par l’Etat (à travers le trésor public) aux collectivités bénéficiaires. L’Etat accorde la priorité aux dépenses relevant des questions de défense et de sécurité d’où les retards et les années non soldées. En effet, les efforts du Gouvernement en faveur de la paix ont permis d’assurer la défense de l’intégrité du territoire, la sécurité publique et de préserver la cohésion sociale. Du fait de sa montée en puissance, l’armée nigérienne occupe la 1ère place des armées de l’espace UEMOA, la 3ème place au niveau de la CEDEAO et la 18ème au plan continental selon le classement 2021 de Global Power Fire.
Mohamed Ibrahim
(Reportage réalisé avec l’appui de International Média Support)