ANALYSE : L’Afrique du Sud, l’autre face de la xénophobie…


 » L’apartheid est un crime contre l’humanité ». Beaucoup de scolaires des années 1980, se rappelleront de cette phrase écrite dans un coin du tableau à la rentrée. Décrétée par les responsables du secteur de l’éducation de l’époque, elle symbolisait le soutien du Niger, à l’instar d’autres pays africains, pour le peuple sud-africain, dans sa lutte contre un système humainement abject.

Il serait pourtant inutile, face à l’explosion des violences xénophobes que subissent les ressortissants des pays africains et d’autres continents en Afrique du Sud, de brandir ces soutiens symboliques, matériels et multiformes que les pays africains ont apportés aux dirigeants et membres de l’ANC lors des heures sombres de l’apartheid.

En effet, ces jeunes qui tuent, pillent les biens, des étrangers, sèment la crainte et la terreur dans les rues des grandes villes sud-africaines, n’ont pas connu l’apartheid, ni les efforts des peuples africains en faveur de la lutte contre le régime qui l’incarnait.

Suis-je en train de dédouaner des actes hautement criminels que beaucoup qualifient de symbole d’ingratitude ? Absolument pas. Car rien ne saurait justifier ces violences meurtrières et destructrices, qui sont, dans le fond, le reflet des limites de la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales menée les cadres de l’ANC, au sein de l’Afrique du Sud post-apartheid.

En effet, l’élitisme de Thabo MBEKI et surtout le populisme de l’ère Jocob Zuma avec son lot d’intrigues, scandales de moeurs et réseaux de corruption, n’ont pas pu créer les conditions permettant de sortir la grande majorité des familles sud-africaines démunies de la misère. Des familles, qui ont donc certes été délivrées de l’humiliation de l’apartheid, obtenu des bulletins de vote qu’elles utilisent périodiquement, sans pour autant que cela ne change fondamentalement leurs conditions de vie matérielles.

Les cadres de l’ANC, responsables de l’Afrique du Sud post-apartheid, ont tout de même su produire une « blackgeoisie », à partir d’une classe moyenne minoritaire. Et bien préoccupés à renforcer cette couche minoritaire pour se donner bonne consciente d’une prétendue émergence économique et financière des couches déshumanisées par le régime d’apartheid, ils n’ont pas su, visiblement, transmettre aux générations de Sud-africains nés dans l’ère post-apartheid, les valeurs qui ont fait la grandeur et la noblesse du combat de l’ANC, tout en conditionnant sa victoire contre le régime inique d’apartheid. Ces valeurs, la dimension sacrée de la dignité et de la vie humaines, le caractère indispensable de la solidarité de tous les membres de la race humaine, que ces hordes de jeunes déchaînés foulent au pied.

Il ne reste plus qu’à espérer que les autorités sud-africaines, interpellées par les condamnations de leurs homologues africains et l’indispensable mobilisation des structures internationales de défense des droits de l’homme, prendront des mesures conséquentes pour endiguer ce phénomène grandissant. Sachant bien entendu que, empêcher ces manifestants de s’en prendre lâchement et honteusement aux étrangers, qui ne sont dans le fond que leur « défouloir », serait fort probablement réorienter, à moyen ou long termes, leurs colères violentes et meurtrières vers l’ANC, ses cadres et les responsables sud-africains, tant que des initiatives concrètes et efficaces ne sont pas prises pour venir à bout de l’extrême pauvreté dans laquelle ils végètent, en dépit des apparences.

Enfin, ces violences liées à l’extrême pauvreté des éléments issus des couches majoritaires de l’Afrique du sud qui explosent à la face du monde, doivent aussi servir de leçon, aux dirigeants qui aménagent quelques périmètres urbains, promeuvent et enrichissent une poignée de leurs concitoyens au détriment du plus grand nombre. La misère, les inégalités sociales croissantes ayant toujours été sources de frustrations, violences et déstabilisation des régimes, à moyen et long termes…

Dr Elisabeth Sherif